Patti Smith
L’icône rock par excellence
OUTSIDE SOCIETY…Patti Smith a toujours eu un jeu bien à elle avec les mots ! Normal : avant même d’être rockeuse, diva punk, artiste new-yorkaise de renom et icône planétaire multicarte, Patti était poète. Quand on a baptisé son album inaugural HORSES (Chevaux) et son dixième TWELVE (Douze), on peut sans ciller intituler son premier Best Of …
OUTSIDE SOCIETY…Patti Smith a toujours eu un jeu bien à elle avec les mots ! Normal : avant même d’être rockeuse, diva punk, artiste new-yorkaise de renom et icône planétaire multicarte, Patti était poète.
Quand on a baptisé son album inaugural HORSES (Chevaux) et son dixième TWELVE (Douze), on peut sans ciller intituler son premier Best Of (18 titres sur un seul CD) Hors Société ! N’ayant jamais « fait carrière », elle n’a même pas à s’en moquer : Patti marque ainsi, une fois encore, qu’elle est ailleurs : un électron libre, une mouche du coche, une artiste et une personne avant tout singulières…mais qui a malgré tout griffé – et comment ! – son époque, une puis deux générations de fans, et qui n’est pas prête à faire valoir ses droits à la retraite, oh non !
A l’instar de sa lointaine consoeur Emily Dickinson, elle ne s’est jamais vue ni vécue « jeune » : née à Chicago de parents évanescents, élevée sous le joug traumatisant d’une secte dans le New-Jersey, Patricia Lee s’enfuit à quatorze ans et se perd dans la foule bigarrée de Brooklyn. A quinze ans, vendeuse de bouquins d’occasion, elle fait la connaissance de Robert Mapplethorpe, paumé comme elle, mais paumé sublime selon elle : beau et désolé à mourir, franchement homosexuel alors qu’elle se cherche à travers ce génie blafard de la photo, une impossible relation, une bohême ultra-réaliste et le romantisme à rebours de la Grande Ville. Elle aimera Robert au-delà de leurs deux vies ( son superbe livre de souvenirs, Just Kids, paru en 2010 …), il la célèbrera en mille et une images qui la révèlent toujours plus belle, plus multiple qu’elle ne le peut admettre. Mais son verbe s’en nourrit, comme il s’est abreuvé de Dylan et de Rimbaud, ce pré-punk français qui fut la météore d’un siècle sans rock, presque sans électricité : Patti sera fille volontariste de la seconde, et amante d’abord exclusive du premier.
Elle a 29 ans quand elle enregistre son premier album, non pas « avec », mais pratiquement contre son producteur, John Cale, l’impérieux bruitiste halluciné qui fit la gloire du Velvet Underground avec Lou Reed : dès sa sortie fin 1975, HORSES est une déflagration majeure, une culbute inouïe, un tsunami émotionnel surtout. Le Patti Smith Group joue très fort, tendu comme les cordes aux quatre côtés d’un ring de boxe ; pour mieux protéger ET propulser à la verticale de ses mots écharpés une chanteuse qui n’en est pas une…et s’en fait une arme léthale ! Ce que sont ces torrents de syllabes qui viennent de Delphes et d’Abyssinie, annoncent tant le punk à l’os de 1977 que le hip-hop inventif et politique de Public Enemy ou des Beastie Boys ( tous enfants terribles de NYC ! ) dans les années 90. L’appropriation du « Gloria » des Them par cette furie aussi féministe et radicale que Van Morrison fut mâle jusqu’au ridicule, changea non seulement l’air du temps, mais ses données sexuelles : avec Patti Smith, on entrait dans l’ère post-moderne sans le moindre palier de récupération, un peu comme si Keith Richards accouchait lui-même de sa propre fille, à 25 ans et prête combat ! D’ailleurs, les Stones furent d’emblée conquis par elle, et Dylan, et Cohen ; plus tard, Tom Verlaine, les Ramones et Blondie lui durent tous un fameux gain de style ; et puis sans elle, qu’auraient osé sans faiblir ses « filleuls » Jeff Buckley, Michael Stipe de REM et Kim Deal des Pixies et autres Breeders ?
Quand, en 1978, Patti fourra de mots divins l’ exquise pâte mélodique à qui Bruce Springsteen n’avait donné qu’un titre, « Because The Night », personne ne s’étonna de cette étrange alliance du Fils d’Elvis et de la Fée Clochette autour d’un hit aussi planétaire que « White Christmas », mais avec une belle crème d’ ardente ironie par-dessus !
Bon an, mal an ( ou quasi décennie…), huit autres albums et quelques réincarnations totales ou partielles du Patti Smith Group sont venu étoffer le corpus de celle dont on guette plus un éclat de prunelle folle que de voix sage : OUTSIDE SOCIETY ( ah oui, l’expression vient de son poème « Rock And Roll Nigger », mis en musique par son guitariste Lenny Kaye sur l’album EASTER, en 1978 …) ou par-delà, Patti n’accumule ni ne s’incruste, pas même se dérobe ; elle bouscule, elle illumine, elle éclabousse.
Qui d’autre qu’elle, à l’âge de cultiver l’art d’être la grand-mère qu’elle est, double chaque date de sa prochaine tournée toujours aussi hardiment Rock and Roll de lectures de ses œuvres et de bien d’autres, en librairie, salle de classe ou autre lieu inopiné ?
Cherchez : no one but her, l’éternelle jeune femme … « aux semelles de vent » ! Rendez-vous à Charleville-Mézières ?..