Bill Withers
Just As I Am / Still Bill
A 33 ans, Bill Withers lance sa carrière musicale. Auteur-compositeur-interprète, il lui suffira de deux albums pour entrer dans la légende de la Soul music. Just As I Am (1971) et Still Bill (1972) contiennent les titres intemporels « Ain’t No Sunshine », « Use Me » et « Lean On Me ». Flashback.
Au début des seventies, la Soul est la bande originale des Etats-Unis. La Stax (Otis Redding, Isaac Hayes) et la Motown (The Jackson 5, Stevie Wonder) en sont les principales écuries. La lutte pour les droits civiques des Noirs fait rage et la guerre au Vietnam est contestée par le peuple et des artistes tels que Marvin Gaye et Jimi Hendrix. C’est dans ce contexte que Bill Withers débarque avec sa soul-folk et son funky rhythm & blues, après une décennie dans la US Navy et quelques années de travail à l’usine.
D’emblée, il propose un univers éloigné des conflits et des revendications de l’époque. L’ambiance est intimiste, la voix chaude et réconfortante, les instruments prennent leur temps, les textes sont courts. Il chante les déboires de l’Amour avec une distance drôle et apaisante. Il conte les histoires d’un terrible loser. Ses échecs le font souffrir mais il reste toujours digne (« I Don’t Want You On My Mind », « Ain’t No Sunshine »). Beaucoup de femmes ont abusé de sa gentillesse cependant il ne leur en veut jamais (« Use Me », « Hope She’ll Be Happier »). Ses diverses addictions et sa jalousie en ont fait fuir plus d’une (« Better Off Dead », « Who Is He »). Son ex Lucy lui a même caché l’existence de sa fille pendant 6 ans (« I’m Her Daddy »)!
Bien que l’amour entre un homme et une femme soit son thème de prédilection, Bill chante aussi l’amour de son prochain (« Lean On Me »), l’amour envers sa grand-mère (« Grandma’s Hands ») ou encore l’amour paternel (« Sweet Wanomi »).
L’identification – et donc l’appropriation de l’oeuvre – est facilitée par l’absence de pudeur de Bill. Il laisse de côté tout égo et se met en scène au coeur des chansons et jusque dans le titre et la pochette de ses albums. Les textes sont à la première personne. Ils sont regroupés dans des projets intitulés Just As I Am (qui signifie « Moi au naturel ») et Still Bill (que l’on pourrait traduire par « Je n’ai pas changé »). Ces projets sont illustrés par des images d’un homme au look casual. Enfin, les situations sont souvent cocasses et ridicules pour l’interprète ce qui rend l’oeuvre très humaine et très réconfortante. Quand je me compare, je me console.
La dimension générale des textes aide aussi cette appropriation. Les rares éléments de contexte permettent d’imaginer que le personnage (sur)vit dans une grande métropole américaine (« Harlem » – Bill, lui, vit à Los Angeles), qu’il est très entouré mais souvent seul, perdu et rêvant d’évasion (« Lonely Town, Lonely Street », « Everybody’s Talkin’ « ). On ne sait pas toujours exactement à qui Bill s’adresse (à lui-même, à une femme, un proche, l’auditeur, Dieu ?) et la critique sociale n’est pas assez appuyée pour interpeller l’auditeur sur un sujet particulier.
Malgré la gravité de certaines situations décrites (solitude, addiction, deuil, désespoir, suicide) ou sous-jacentes (pauvreté, racisme, guerre), Bill est toujours d’une grande sagesse dans son appréhension des événements (« Let It Be »). Son oeuvre est aussi très optimiste bien que caustique par touches. C’est par la promotion de valeurs simples comme l’humilité, l’intégrité et la confiance en soi que l’on créera un monde meilleur (« Take It All In And Shake It All Out », « Do It Good »). Et cela commence en chacun de nous par la quête de sens (« Another Day To Run »).
Just As I Am et Still Bill ont inspiré de nombreux samples ou reprises par des artistes aussi variés que Mick Jagger, Michael Jackson, 2Pac, BLACKstreet, Grace Jones, Fiona Apple ou encore Gil Scott-Heron.
La richesse de la performance vocale (sublime!) ainsi que la diversité des sonorités (très expressives!) vous permettront d’apprécier cette oeuvre même si l’anglais n’est pas votre meilleur ami. L’écoute vous laissera une impression à la fois puissante et calme. Dure et douce. La meilleure des drogues.
En avril 2015, Bill Withers entre enfin au Rock’n’Roll Hall of Fame, ce qui vient officialiser l’influence conséquente que continue d’avoir sa musique 45 ans après ses débuts.
Guillaume Gimondo
Site officiel : BillWithers.com
Crédits photos : Sony Music
Découvrez ci-dessous le Top 5 des incontournables de Bill Withers :
“I write and sing about whatever I am able to understand and feel. I feel that it is healthier to look out at the world through a window than through a mirror. Otherwise, all you see is yourself and whatever is behind you.” — B.W.